J’ai peu de souvenir de mon enfance, mais je me souviens du jour où mon père à amené notre chienne Ketty au vétérinaire pour la dernière fois. Je crois que c’était dans la Ford Escort dorée. Elle avait un cancer, il fallait en finir. Je me souviens pas de ma tristesse, mais de celle de mon père qui montrait peu ses émotions, si elles n’étaient pas de la colère.
Par lui suite, c’est le cancer qui a aussi emporté mon papa, j’étais adolescente. Le jour où il est mort, notre chienne Dolly de détruit un carreau de la porte d’entrée, a réussi à rentrer mais s’est blessée. On a vu aux gouttes de sang sur la moquette qu’elle s’était dirigée vers la chambre de mes parents, et qu’elle avait fait le tour de lit.
Adulte, j’ai recueilli Elias Rahon le chat, arrivé avec un garçon (qui lui, était peu adulte), qui mis dehors, a refusé de le reprendre et menacé de « l’abandonner en forêt de Fontainebleau ». A cette époque Elias Rahon avait 5/6 ans, c’était un chat chiant, gueuleur, qui grattait comme un fou si on fermait la porte pour dormir en paix.
J’étais ambivalente. Quelques temps après une amie était venue avec ses enfants pour envisager une adoption, que j’ai finalement refusée.
Elias était un bon compagnon caractériel. Un bon chat de droite. Avec le garçon, on lui avait fait une page Facebook, on lui avait rajouté 100 ans de plus. Il était membre de tous les groupes d’amateurs de pigeons, et on attirait les généalogistes de la famille Rahon, qui n’avaient pas compris la blague du chat qui postait des statuts plaintifs avec un accent allemand (?) : « cha va pas, ché pas assez de câlins, che veut aller dehors ». Les VIP de ses amis étaient ceux qui avaient le privilège de l’avoir rencontré, ou des animaux. La page est toujours active, Elias Rahon a 119 ans en âge Facebook.
Quand ma mère a été plusieurs fois hospitalisée et que j’ai dû rentrer pour l’aider, j’ai souvent pris Elias avec moi. A lui : « la quille », grimper au cerisier, siester sur le béton au soleil. Il y avait au moins quelqu’un pour qui c’était l’éclate. Et il n’était pas avare en câlins. Quand ma mère a été bien, j’ai même essayé de lui refiler, au moins pour les vacances, mais il détruisait le papier peint. Il finissait toujours par rentrer dans son hamac de radiateur chéri « chan aller dehors ».
Quand ma mère est partie pour de bon, j’ai retrouvé mon Elias qui m’a inondé de câlins, et les années qui ont suivi, il a été une bouillotte et une présence qui m’a beaucoup aidé.
Les années ont avancé et il a pris de l’âge. La maison au cerisier s’est vendue. J’ai abandonné l’appartement au hamac de radiateur pour un plus petit, mais il y a un toit pour se dorer la pilule (et j’ai pensé à Elias quand je l’ai acheté) et une voisine sympa. Mais le matou a développé un insuffisance rénale et un hypertension, il s’est mis à gueuler encore plus fort… et j’ai un eu un bébé…
Quelquefois, j’ai voulu qu’il meure, il réveillait le bébé avec ses miaulements/hurlements… mais le 14 Juillet, au son des feux d’artifice, il est venu se planter devant le berceau en mode protecteur. Quand ma fille s’est mise à marcher, et l’embêter, il lui a planté plusieurs fois ses griffes, mais faut dire qu’elle insistait. Puis il s’est mis à accepter ses câlins. Elle ne parle pas encore très bien, mais elle sait dire « kitty » et « chat » et tous les animaux sont des kittys et des chats (sauf les « monkeys », bizarrement). Elias a aussi bien perturbé mes cours en zoom…miauler pour rentrer, miauler pour sortir sur le toit, miauler pour rien…On a pensé qu’il en avait encore pour quelques années, et parfois on l’a même pensé en le regrettant. Elias est chiant.
Il prend ses cachets depuis 2018 mais depuis quelques semaines c’est pas la forme. Je l’ai amené chez le vétérinaire et il ne fait plus que 3,6 kilos. Il ne miaule plus, je le porte pour qu’il puisse sortir encore un peu sur le toit, mais il peine à sauter pour en descendre. C’est du lit à la fenêtre, puis du lit au fauteuil et bientôt du lit au lit… Son arrière train est presque bloqué. Il fait des câlins, mais il n’a pas ronronné depuis des mois. Il pose sa tête sur nos bras et accepte les accolades du bébé devenu grand bébé.
Alors ce sera pour jeudi. C’est la véto qui a dit qu’il fallait. Je n’ai pas l’intention de le regarder s’étioler davantage… mais… que c’est dur après tant d’années.
Je n’ai même pas demandé qu’on m’accompagne. J’ai fait bien plus difficile dans la vie (et j’ai été accompagnée) mais je suis triste devoir encore dire aurevoir.
Chalut, camarade. Je suis fière d’avoir été ta coloc pendant tant d’années, et je te remercie pour tes bons câlins et tes bons soins.
PS : Elias est parti dans mes bras le jeudi premier juillet 2021.